Processus électoral en RDC: il est temps pour l'Union Européenne de se prononcer sur des sanctions ciblées
Le Réseau européen pour l’Afrique Centrale (EurAc) demande aux ministres européens des Affaires Etrangères d’agir pour prévenir une nouvelle escalade de violence et d’abus en RDC dans ce contexte pré-électoral
Afin de prévenir une recrudescence dangereuse de la violence en République démocratique du Congo (RDC) après les récents événements qui ont eu lieu à la mi-septembre à Kinshasa, EurAc demande aux ministres des Affaires Etrangères de l'Union européenne (UE), se réunissant lundi prochain aux Conseil des Affaires étrangères de l’UE, de prendre des mesures fortes et concrètes d’application de sanctions ciblées à l’encontre des hauts responsables et des agents des forces de sécurité congolais responsables de répression violente et de violations des droits humains. Cette action est d’autant plus importante et pertinente qu’elle interviendra deux jours avant les prochaines manifestations prévues le 19 octobre prochain par les partis d’opposition du "Rassemblement".
Comme déjà décrit dans la dernière communication d’EurAc, les récents affrontements du 19 et 20 septembre à Kinshasa, dont le bilan est d’environ 50 morts et de nombreux autres blessés ou disparus, ont ouvert les yeux d’un certain nombre d'Etats européens qui avaient jusqu'ici montré une certaine réticence voire même opposition à exprimer au gouvernement de la RDC leur vive préoccupation mais aussi à envoyer un message fort à l’encontre des personnes responsables de violence et d'abus. En effet, suite à la réaction du ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault appelant à des sanctions individuelles de l'UE, plusieurs pays européens, y compris la Belgique et le Royaume-Uni, ont emboité le pas et réagi publiquement pour dénoncer ces abus en appelant à l'UE à imposer des sanctions. Peu après, la diplomatie européenne a elle aussi réagi publiquement, en ajoutant une référence à la responsabilité individuelle des hauts responsables congolais des institutions de justice et de sécurité. Le Parlement Européen s’est aussi exprimé récemment fortement en ce sens. Cependant, jusqu'à présent, aucune de ces mesures n’ont été effectivement mises en œuvre.
« EurAc a récemment démontré que le report maintenant inévitable des élections en RDC, suite à la stratégie du président Kabila de se maintenir au pouvoir après la fin de son mandat constitutionnel, constitue une menace grave pour le processus de démocratisation en RDC. L'instabilité renouvelée dans ce pays affecte non seulement la région toute entière des Grands Lacs, mais elle met aussi à mal tous les efforts entrepris par l'Europe dans la consolidation de la paix et le développement du pays et de la sous-région », analyse Donatella ROSTAGNO, Directrice de EurAc.
Lundi prochain, la crise politique en RDC et la question de l’application de sanctions ciblées par l'UE seront discutés lors de la réunion du Conseil des Affaires Etrangères: ceci sera l'occasion idéale pour l'UE de démontrer une fois de plus son engagement ferme à soutenir la démocratie et la protection des droits humains dans la région, des valeurs qui constituent la véritable valeur ajoutée de la coopération européenne par rapport à l'approche d'autres partenaires internationaux de la RDC. Ce sera aussi un moment crucial pour tenter d’éviter une nouvelle grave crise sécuritaire et humanitaire à grande échelle dans la région des Grands Lacs. Et, pour l’UE il est encore temps d'agir avant la date clé du 19 décembre, date à laquelle le Président Kabila est censé quitter ses fonctions.
Aussi, EurAc demande aux ministres européens des affaires étrangères de prendre des mesures concrètes pour prévenir une nouvelle escalade de violence et d’abus en RDC. Nous exhortons donc ces ministres européens à:
- Annoncer publiquement que l’UE mettra en œuvre des sanctions ciblées - y compris des interdictions de visa et le gel des actifs - à l’encontre des hauts responsables et des agents des forces de sécurité congolais responsables de répression violente et de violations des droits humains, ainsi que à l’encontre de ceux qui bloquent l'organisation du processus électoral ;
- Communiquer de manière beaucoup plus forte et cohérente aux autorités congolaises l'engagement et la détermination de l'UE à défendre le respect des articles de la Constitution congolaise qui consacrent le principe d’alternance démocratique, tels que le nombre et la durée des mandats présidentiels autorisés, ou le mode de scrutin présidentiel (Articles 70 et 220); Exprimer plus fortement le refus de l'UE de voir le Président Kabila se maintenir au pouvoir au-delà de 2016 par l'intermédiaire d'un troisième mandat et/ou d’un «glissement» du processus électoral. L'UE doit communiquer clairement et avec force au gouvernement congolais sa préoccupation que les articles de la Constitution congolaise susmentionnés soient effectivement pleinement respectés, et ce dans un délai convenable, et que à défaut ceci pourrait avoir des conséquences importantes sur les relations entre l’UE et la RD Congo ;
- Reconnaissant l’impasse du dialogue politique actuel, rejeté par une partie des partis d’opposition, et facilité par M. Edem Kodjo nommé par l'Union africaine qui a aujourd’hui perdu la confiance de nombreux acteurs socio-politiques congolais, l’UE doit plaider pour l’instauration d’un nouveau dialogue effectivement inclusif, qui réunisse les différentes forces de l'opposition et la majorité. L’UE doit par ailleurs plaider pour l’identification d’un nouveau facilitateur indépendant qui bénéficierait de la confiance de la majorité et de l'opposition et qui aurait pour rôle de trouver une convergence de positions acceptables pour toutes les différentes forces sociales et politiques du pays ;
- Communiquer de manière beaucoup plus forte et cohérente sur l'engagement et la détermination de l’UE à défendre les droits et libertés des citoyens congolais, comme la liberté d'expression, d'association et de réunion; Condamner la politique d'arrestation et de détention des opposants politiques, des défenseurs des droits humains et des membres de la société civile, et d'exiger la libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers d'opinion, ainsi que l’abandon des charges qui pèsent encore à leur encontre ;
- User de son influence diplomatique pour demander aux Etats membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies, plus particulièrement les Etats membres de l’UE au permanents et temporaires, de mettre en place une enquête indépendante sur les massacres de Beni et Lubero, enquête qui n’empièterait pas sur les initiatives locales de règlement des conflits communautaires, mais qui agirait en complément de celles-ci ;
- Communiquer que l’UE a une politique de tolérance zéro pour tout usage excessif de la force et incitation à la violence par les agents des forces de sécurité et officiers de l'armée qui reçoivent par ailleurs une formation ou tout autre soutien notamment financier de la part de l'UE ou de ses états membres ; Être prête à réduire ce soutien financier si ces agents sont reconnus responsables d’une utilisation excessive de la force ou d’incitation à la violence.
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